L’Union Nationale Sportive Léo Lagrange est composée de six unions régionales aux spécificités territoriales bien particulières. L’un des programmes nationaux, le dispositif Léo Sport Job, est financé en Nouvelle-Aquitaine par l’AMI O2R. Céline Greffier, cheffe de projet, et Cédric Buzos, coordinateur territorial sportif, sont chargés de son déploiement.

Comment mettez-vous en œuvre le programme Léo Sport Job ?

L’union régionale sportive Léo Lagrange en Nouvelle-Aquitaine (URSLL) est assez récente puisqu’elle existe que depuis fin 2022. À cette époque, un financement de la DREETS et du FSE nous avait permis de lancer nos premières actions sur le territoire. Avec O2R, on est plus dans une phase de consolidation et d’essaimage. Le cahier des charges national se veut souple et réglable parce que le public nous y oblige. C’est nous qui devons nous adapter à la temporalité de vie des jeunes, à leurs difficultés, aux freins périphériques qu’ils peuvent rencontrer, aux spécificités du territoire. On arrive avec des objectifs, une pédagogie, des typologies d’action, une manière de fonctionner mais on tient d’abord compte du profil des publics et des compétences des équipes qui le mettent en place sur le territoire.

Le public visé, ce sont les jeunes vulnérables. Que faut-il comprendre ?  

Nos publics sont considérés comme vulnérables sur les plans financier, économique, social, familial, sociétal. Leurs freins sont très variés. On est principalement axés sur la santé globale. En Nouvelle-Aquitaine ils viennent de mission locale, de France travail, mais aussi de la PJJ, ce sont parfois des mineurs non accompagnés. Chacune de nos cohortes est différente. Selon qu’elle se situe en zone rurale ou en QPV rive droite, les difficultés varient. Ça nous oblige à trouver des partenaires complémentaires pour les aider à résoudre leurs freins.

Comment vous avez déterminé les territoires sur lesquels vous alliez intervenir ?

On est présents sur trois territoires, à Saint-Seurin-de-Cursac, où nous avons un centre de loisirs Léo Lagrange qui sert de lieu d’accueil pour notre groupe. En 2023, à Saint-Médard-en-Jalles nous avons travaillé avec une structure affiliée à notre fédération, Drop de Béton, et pour le Grand parc, avec un club sportif en consortium avec nous, le boxing club Alamele. Actuellement la troisième cohorte est sur Artigues, pour les jeunes provenant de toute la rive droite, on la met en place en propre avec les salariés de l’URSLL NA. Nous intervenons sur ces territoires parce qu’il y a un réel besoin d’accompagnement des jeunes selon la DREETS, ainsi que pour les communes limitrophes comme Lormont. L’autre intérêt, c’est que nous y avons des bureaux qui servent de lieu d’accueil pour nos cohortes d’une douzaine de jeunes. Nous avons différents partenariats, comme la mission locale et les associations sportives affiliées à notre fédération. On a aussi un partenariat avec les Compagnons du tour de France, et le club d’entreprise d’Artigues qui est notre relais sur le champ professionnel. Tout cela nous permet de mieux répondre aux besoins spécifiques des jeunes accompagnés.

En quoi consiste votre action ?

Léo Sport Job, c’est un accompagnement à l’insertion professionnelle et sociale par la pratique sportive, qui est notre outil de prédilection en tant que fédération sportive. Mais c’est un accompagnement multi filières. On n’oriente pas que vers les métiers du sport et de l’animation. On essaie d’ouvrir le champ des possibles. Comme le disait Léo Lagrange « aux jeunes, ne traçons pas un seul chemin, ouvrons-leur toutes les routes. » Nous utilisons le prétexte des outils sportifs pour aller découvrir des domaines métiers, des formations qui leur sont accessibles, auxquels ils ne penseraient pas forcément. Par le biais des activités physiques nous avons aussi un objectif de sensibilisation à la santé globale, qui fait partie des freins périphériques à l’emploi. On reste sur l’identification de ces freins, nous sommes éducateurs sportifs, on ne peut pas résoudre tous les problèmes. Nous voulons également œuvrer à la conscientisation des compétences des jeunes. Ils possèdent tous des compétences acquises au long de leur propre parcours, le but est de valoriser leurs talents, leurs atouts, avec une alternance entre temps collectifs et temps individuels.

Quelle est votre spécificité par rapport à d’autres intervenants ?

Nous ne proposons pas de faire du sport pour faire du sport. Notre but c’est l’insertion professionnelle, donc il faut que nos ateliers aillent dans ce sens, en travaillant sur les compétences psycho sociales, en échangeant avec les jeunes pour savoir comment ils vivent les activités, quelle est leur place dans le groupe, etc. La deuxième partie concerne l’ouverture du champ des possibles. On se déplace avec eux dans différents environnements, par exemple dans un centre équestre pour découvrir tous les métiers, du palefrenier au cuisinier, ou dans l’aéronautique, en partenariat par exemple avec la fédération française de vol en planeur. On s’appuie sur les témoignages de professionnels qui présentent le quotidien de leur métier de manière ludique.

Comment attirez-vous des jeunes en rupture qui peuvent aussi être très éloignés du sport ?

Nous parlons d’activité physique plutôt que de sport. On veut d’abord les sensibiliser au bien-être physique et psychologique. Toutes nos séances pédagogiques sont écrites, réfléchies et préparées en amont pour s’adresser à des publics de différents niveaux. Notre objectif est de tendre au développement du pouvoir d’agir. L’activité physique nous sert de prétexte pour créer un schéma de confiance parce que lorsqu’on participe tous à la même activité, il n’y a plus de hiérarchie entre l’adulte et le bénéficiaire de l’accompagnement. Et puis ça permet de délier les langues, de parler de ses soucis, de sortir du déni. Une fois que ce contexte de confiance est mis en place, on leur propose de se poser des défis comme marcher 3 000 pas dans la journée, fumer moins de cigarettes que la semaine précédente, manger plus de légumes.

Les jeunes que l’on accompagne ne sont pas forcément en phobie scolaire mais ne gardent pas un bon souvenir de l’école. On ne peut pas se permettre de les mettre derrière un bureau avec une feuille et un stylo, ça ne fonctionne pas. Si on les replonge dans les mêmes conditions on les perd. C’est pour ça que notre approche se veut ludique, on les fait sortir, on leur propose de découvrir de nouvelles personnes, de s’acculturer à de nouvelles disciplines.

Est-ce que vous distinguez les trois phases de repérage, mobilisation et accompagnement ?

À la sortie de la phase de repérage nous avons un sas d’entrée de deux ou trois jours, qui permet aux jeunes de tester notre pédagogie, notre manière de fonctionner et de lever l’appréhension que certains auraient vis-à-vis des activités sportives. On veut qu’ils se rendent compte par eux-mêmes si notre accompagnement peut leur convenir, s’ils sont prêts à travailler la question de l’insertion professionnelle ou si on les réoriente vers un autre intervenant. Notre deuxième phase est à la fois de la mobilisation et de l’accompagnement, en trois étapes : déclencher le changement, réaliser le changement et s’accomplir. Toujours avec cette idée de développement du pouvoir d’agir.

Quelle est la durée d’un parcours complet ?

Cette année nous sommes en expérimentation. Notre parcours type va de juillet à décembre, avec quatre mois de remobilisation. L’année prochaine, ça devrait de changer pour un accompagnement global de huit mois, dont six après la période de SAS d’entrée. Les jeunes sont présents deux jours par semaine par territoire, sachant que nous leur donnons une feuille de route, des objectifs à réaliser entre les temps de présence. En fin d’accompagnement on a deux jours de séjours sportifs aussi, ce sont les jeunes qui choisissent les activités qu’ils veulent mettre en place, toujours dans l’idée du développement du pouvoir d’agir.

Quelle est la plus-value de l’approche sportive ?

Avec l’activité physique et sportive on est sur les notions de collectif et de défi, qu’on ne retrouve pas forcément sur des activités culturelles. On cherche à apprendre aux jeunes à faire face à certaines problématiques grâce à l’engagement, la cohésion et l’esprit d’équipe. Grâce à la programmation neurolinguistique, on sait que la mise en fonctionnement des neurones passe par le fait de se mettre en mouvement corporellement. Les personnes qui sortent du RSA ou les décrocheurs scolaires, souvent sédentaires, ont une capacité de réflexion diminuée. Si on veut pouvoir les amener à être plus actif cérébralement, la mise en mouvement est la première étape. On ne cherche pas à créer des athlètes mais on veut améliorer leur santé avec des routines matinales, de façon qu’ils soient mieux dans leur vie, dans leur corps et leur tête. En complément des entretiens individuels nous avons une collègue, en partie thérapeute, qui travaille sur la gestion du stress et des émotions. Le but c’est d’outiller les jeunes avec tous les éléments susceptibles de rendre possible leur épanouissement après avoir quitté l’accompagnement, sur le plan du bien-être mental et physique. Et de les préparer à rencontrer des employeurs.

 Cet article est publié pour le compte de « La Place », la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs de l’AMI O2R et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine :

https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx