
La Communauté de Communes Aunis Sud est un territoire situé entre Niort et La Rochelle. À dominante rurale mais attractif, avec une démographie en augmentation, des entreprises qui veulent s’implanter, proche de grands axes de circulation, elle compte 33 000 habitants et vingt-quatre communes. En 2024, elle a été retenue par l’AMI O2R pour un projet de repérage et d’accompagnement des publics éloignés de l’emploi.
Gaëlle Fontaine, vous êtes coordinatrice de la Maison de l’Emploi France services Aunis Sud (MdEFs), pourquoi avoir présenté un dossier O2R ?
En 2019, la Communauté de Communes Aunis Sud s’est engagée comme volontaire pour l’expérimentation du projet Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée. Mais en 2023, le projet a été abandonné faute de financements. Nous avions constitué une entreprise à but d’emploi (EBE), et dans le travail qui avait été mené au moment de cette expérimentation, il fallait aller à la rencontre des publics fragilisés sur l’ensemble de notre territoire. Nous savions pouvoir compter sur l’engagement des élus et des partenaires associatifs. Notre projet O2R s’inscrit dans la continuité de ce travail.
Quelle a été votre approche ?
Nous avons fait le choix de ne pas constituer de consortium parce que nous nous appuyons sur nos services internes comme les services culture, sport, environnement, etc. Nous disposons également de plusieurs outils, et d’un maillage efficient par le biais de la Maison de l’Emploi France Services située à Surgères. Plutôt que de donner un nom à cette action, nous l’avons inscrite dans l’identité de notre territoire avec son slogan « imaginer sa futuralité ». La volonté est de permettre aux publics isolés géographiquement ou socialement, de retrouver la capacité de se projeter à nouveau.
Comment avez-vous présenté votre initiative à vos partenaires ?
Dans un premier temps, nous avons réalisé tout un travail de communication au sein du bureau communautaire ainsi qu’auprès des vingt-quatre communes du territoire, en rencontrant directement les secrétaires de mairie et les élus. Nous sommes ensuite allés à la rencontre des associations, des partenaires locaux, d’abord ceux qui font de l’aide alimentaire comme l’association d’aide alimentaire d’Aigrefeuille d’Aunis, le Secours Catholique, Les restos du cœur, le Centre Intercommunal d’Action Sociale. Nous avons tenu des permanences pour être au plus près du public et les informer qu’un accompagnement socio-professionnel existe sur le territoire. On continue de développer notre repérage avec d’autres acteurs comme les structures de l’IAE, le Centre d’Animation et de Citoyenneté de Surgères, etc.
Avez-vous défini un profil particulier de personnes à capter ?
Nous visons les personnes éloignées de l’emploi, qui ne sont pas connues du service public de l’emploi. Nous ne ciblons pas un public spécifique. Au regard de notre petit territoire, il est important de donner sa chance à toutes les personnes en difficulté. Aujourd’hui, nous rencontrons aussi bien des seniors, des femmes, des jeunes, des voyageurs, etc. Ce n’est jamais facile de capter les personnes, même si nous avons l’avantage que la MdEFs soit relativement bien identifiée sur le territoire. Beaucoup de personnes y viennent spontanément ou parce qu’elles sont orientées par des partenaires, mais ce sont des personnes mobiles, qui peuvent se déplacer. Avec O2R, nous disposons d’un moyen dédié au repérage des publics plus isolés. Notre idée est d’aller dans les communes pour faire connaître notre dispositif O2R ainsi que notre offre de services, l’ERIP, les ateliers et les évènements que nous organisons. C’est un complément à notre offre existante, avec un maillage partenarial qui fonctionne déjà très bien.
Edwige Bely-Rouyer, vous êtes conseillère en insertion professionnelle et chargée de l’animation de cette action ? Comment vous adressez-vous aux publics ?
Je suis présente à la MdEFs et au sein des permanences d’aides alimentaires et j’organise des rencontres au sein des villages. J’informe par exemple les personnes qui viennent prendre leur colis alimentaire, qu’à la MdEFs nous proposons un accompagnement socio professionnel de remobilisation, afin de les aider à retrouver un emploi. Cette information peut les concerner directement ou pour leur entourage, cela permet de promouvoir le dispositif par le bouche-à-oreille. Souvent ce sont les mêmes personnes que je croise pendant les distributions alimentaires, au CIAS, au Secours Catholique, aux Restos du cœur. Du coup ils m’identifient, cela devient une habitude, mais il faut du temps pour créer un lien de confiance. Je viens avant l’ouverture, pour échanger autour d’un café, créer du lien sans essayer d’entrer immédiatement sur la présentation du dispositif. Nous avons mis en place depuis fin septembre des cafés « Ensemble Vers l’Emploi », à raison de trois par mois, à Surgères, à Aigrefeuille et à Marsais. Ces moments conviviaux permettent cette proximité avec les habitants.
Comment procédez-vous pour le repérage ?
Après un premier contact lors d’une action « aller vers » ou lors d’une visite spontanée, je propose un entretien individuel pour faire connaissance avec la personne. Avant d’obtenir leur adhésion au dispositif O2R, il est souvent nécessaire de se voir plusieurs fois. Les personnes que je reçois lors de la phase de repérage, et qui ont besoin d’un accompagnement, sont souvent la plupart du temps déjà inscrites et suivies par le réseau pour l’emploi. Or la logique d’O2R, c’est de repérer et mobiliser des personnes qui ne sont pas déjà accompagnées.
Avant de savoir s’ils sont éligibles ou pas, il peut se passer plusieurs rencontres, afin que je sois en mesure de vérifier leur situation, notamment auprès de France Travail. Le problème c’est que lorsqu’un partenaire vous oriente une personne, que vous la recevez, qu’un lien de confiance commence à se créer, et que vous finissez par leur dire que cela n’est pas possible de se revoir, c’est difficile à gérer. Notre crainte c’est que les partenaires ne nous orientent plus de bénéficiaires. Pour l’instant, le repérage se fait plutôt à la MdEFs, à l’occasion des permanences de la CAF par exemple. Les personnes qui ont poussé la porte pour une raison ou un autre, sont déjà remobilisés en partie. Elles n’ont pas forcément un manque de confiance en elles, mais elles ont perdu pied, n’ont pas travaillé depuis un certain temps, ne savent plus trop comment s’y prendre et par quoi commencer.
Jusqu’où allez-vous pour rencontrer les gens ?
Nous nous déplaçons sur les 24 communes de l’Aunis Sud. Nous organisons du porte-à-porte en binôme avec un autre partenaire, comme « Popote et papote » dont l’objectif est de proposer à tous une alimentation bio et locale accessible. Nous serons prochainement avec le Solidaribus du Secours populaire sur Saint Mard. Le but est d’être présent un peu partout et d’aller à la rencontre des habitants. Si les gens ne viennent pas à la mairie, on ne peut pas les connaître, compte tenu du nombre de hameaux par commune. C’est ce qui caractérise aussi l’isolement géographique et social de certains habitants, ainsi que l’absence de mobilité.
Quand abordez-vous la question du projet professionnel ?
En général, les personnes signent le contrat d’adhésion au bout de deux ou trois rencontres. On ne peut pas forcer cette adhésion, il faut d’abord créer le lien de confiance. Pour elles, la porte d’entrée c’est le projet professionnel, souvent une demande de retour à l’emploi direct. On suit leurs besoins et leurs attentes, même si au fur et à mesure on détecte certains freins. Je propose du sur mesure avec chaque personne et je les rencontre chaque semaine. Parfois l’emploi est utilisé comme un levier de remobilisation, comme la réalisation de stages, d’immersions, de visites d’entreprise, etc. D’autres fois, les personnes vont avoir d’abord besoin de travailler sur la confiance et l’estime de soi. Dans ce cas, on ira plus lentement, le travail sur le projet professionnel interviendra plus tard.
Ainsi, le parcours proposé ne respecte pas forcément une phase spécifique de remobilisation, puis une phase d’accompagnement social, puis une phase professionnelle. Surtout si la personne parle directement de retour à l’emploi. Dans ce cas, on s’appuie sur son envie, on ne lui impose pas de passer par une phase de remobilisation. On se concentre sur le besoin immédiat de la personne, on lui propose de participer à des ateliers que nous organisons à la MdEFs dans le cadre de l’ERIP ou par nos partenaires, de la préparation à des job datings. Sur le territoire, nous disposons de nombreux ateliers socio-professionnels.
Faut-il comprendre que vous n’avez pas à proprement parler de programme ?
C’est surtout que le parcours O2R est individualisé. C’est tout l’intérêt du dispositif, on peut s’adapter à chaque personne. Le parcours dure jusqu’à neuf mois maximum, nous proposons un entretien hebdomadaire de remobilisation, et entre deux rendez-vous des actions à mener, des ateliers, etc. Pour l’instant, on a peu de recul sur nos pratiques. Notre projet, au-delà de raccrocher les personnes au droit commun, c’est de travailler le volet socio-professionnel autant que possible pour passer le relais en fin de parcours, dans les meilleures conditions à France Travail ou à la mission locale, une fois que des actions ont été amorcées, avec méthode.
Pensez-vous que c’est la personne elle-même qui est la mieux placée pour définir ses vrais besoins ?
Nous pensons que la personne est souvent la mieux placée pour identifier ses propres besoins. L’expérience lui permet progressivement de préciser ses projets et de vérifier par elle-même ceux qui correspondent réellement à sa situation. En l’accompagnant dans cette exploration, elle peut ajuster son orientation de façon constructive en identifiant elle-même ses freins. De manière générale, ce sont surtout les techniques de recherche d’emploi qui nécessitent un appui particulier pour renforcer ses chances de réussite.
Cet article est publié pour le compte de « La Place », la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs de l’AMI O2R et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine :
