Un village, des solutions

Paroles d’acteurs

Après avoir été une association pendant 70 ans, l’AFPA est depuis 2017 un établissement public industriel et commercial (EPIC) avec le statut d’agence sous tutelle conjointe du ministère du Travail et du ministère des Finances. À horizon fin 2025, tous les centres AFPA devront avoir été labellisés « village des solutions ». C’est du moins le projet de l’AFPA national. En nouvelle Aquitaine, la démarche a été engagée début 2024, elle concerne la majeure partie des dix-huit centres AFPA, comme Pau et Bayonne dont Vincent Pomes est directeur.

« En fait, l’orientation qui est la nôtre, c’est d’être un facilitateur en termes d’insertion sociale et d’inclusion professionnelle. Notre cœur de métier reste la formation professionnelle. Mais maintenant, quasiment à parts égales, nous faisons de l’accompagnement global des publics. » C’est le cas par le biais de différents programmes nationaux comme Prépa compétences, un accompagnement des demandeurs d’emploi prescrits par France travail, la promo 16.18 qui s’adresse aux jeunes décrocheurs, les ateliers Déclic de découverte des métiers, ou encore HOPE, le programme d’hébergement et d’orientation pour un public réfugié ou bénéficiaire de la protection individuelle internationale.

Le deuxième volet comprend les missions nationales de service public gérés par l’AFPA, comme la création des certifications et des titres professionnels, ainsi que la professionnalisation des jurys VAE en lien avec les titres professionnels. « Dans l’accompagnement, j’ajouterai la nouvelle tendance en Nouvelle-Aquitaine, avec l’habilitation de service public (HSP), qui a ouvert la voie à l’intégration de l’accompagnement dans les parcours qualifiants. Les stagiaires viennent comme ils sont, et on s’occupe de tout, c’est-à-dire les freins professionnels que sont la mobilité, le logement, la parentalité, la fracture numérique, la santé. »

Réunir les acteurs

Le village des solutions, est en quelque sorte une labellisation « interne », dont le principe consiste à réunir des acteurs de tout horizon qui sont animés par l’insertion sociale et professionnelle et de favoriser la réunion de ces acteurs. En tant que chef de file, l’Afpa trouvera des alternatives de coopération et d’accompagnement. « La Région Nouvelle-Aquitaine croit en la formation professionnelle et le village des solutions, on le voit plus comme l’occasion d’avoir des partenaires qui nous rejoignent dans l’ambition d’inclusion sociale et d’insertion professionnelle, et qui nous permettent d’apporter des solutions concrètes à nos ressortissants. »

À Bayonne et Pau, la recherche de partenariats a commencé il y a un peu plus d’un an et demi. La CPAM et la CAF, deux nouveaux partenaires, proposent des réunions d’information collective sur l’accès aux droits, et permettent à tous les publics de trouver une réponse à leurs problématiques liées à la santé, à commencer par un accès facilité aux bilans de santé, ainsi que sur la parentalité, le logement, etc. Autres exemples, Idelis apporte son aide sur la question de la mobilité, et l’entreprise Orange anime des ateliers numériques.

« Le village des solutions, c’est en fait imaginer une communication et une organisation fluide entre partenaires du territoire. Ils gardent leurs objectifs propres, mais ensemble nous sommes plus forts pour répondre au mieux aux besoins de nos publics. Les partenaires ont tout à gagner à venir au village des solutions, ce n’est pas payant, et cela nous ouvre la possibilité de proposer des alternatives concrètes aux bénéficiaires, en coordonnant un parcours d’accompagnement intégré. »

Cette appellation n’est en soi pas une révolution, l’AFPA reste d’abord considérée comme l’organisme de formation des demandeurs d’emploi. Pendant longtemps les centres AFPA attendaient les publics prescrits par d’autres, mais elle a toujours travaillé avec un réseau de partenaires, d’associations, de structures d’insertion, etc. Avec le village des solutions, elle ambitionne de dépasser les organisations un peu archaïques, elle intervient beaucoup plus en agilité et en fluidité, avec des opérateurs de tous ordres qui se retrouvent sur les valeurs de la formation de l’insertion et de l’emploi et apportent leur expertise particulière.

« Ce qui a changé, c’est que l’Etat et les Régions nous attendent sur un accompagnement global. Cela nous oblige à intervenir bien en amont de la formation professionnelle, avec toute la diversité des questions à traiter que cela implique. La remobilisation, la resociabilisation, sont des sujets qui dépassent le seul sujet de formation professionnelle. Le village des solutions nous place dans une dynamique beaucoup plus large en tant qu’opérateur ensemblier sur le territoire. Réunir des partenaires va justement nous donner encore plus de légitimité sur cet enjeu d’insertion sociale et professionnelle, mais surtout nous apporter du concret. Tout le monde ne conventionnera pas avec l’AFPA, mais en tout cas nous proposons, grâce à cet outil, de coopérer et d’échanger, pour mieux accompagner les publics dont on a la responsabilité. »

Un label qui résulte d’une évolution

L’arrivée de ce label n’implique pas un changement d’organisation, puisque l’évolution de l’AFPA a débuté il y a déjà quelques années, avec l’introduction de la dimension d’accompagnement global des programmes nationaux et les missions de service public. Le village des solutions vient en quelque sorte matérialiser cette évolution et l’ouverture de l’opérateur AFPA sur son écosystème pour la réussite du territoire. La seule véritable différence, c’est qu’il aura fallu aller chercher de nouvelles compétences, des profils de CIP, d’éducateurs, d’accompagnateurs socio-éducatifs, de formateurs pré insertion, et des partenaires spécialisés. « Le modèle dépassé de l’Afpa, c’était un formateur référent métier qui accompagnait les stagiaires, avec l’appui des services support et des équipes techniques. La réalité de l’accompagnement global et coordonné passe par une organisation plus fluide et pluri disciplinaire. »

Il y a trente ans, un stagiaire venait à l’AFPA pour apprendre le métier de comptable, de soudeur, de mécanicien ou de plaquiste. Il rentrait en formation du premier au dernier jour, développait des compétences, passait un titre pro avant d’aller à l’emploi. « Depuis bon nombre d’années, il y a une évolution des publics qui nous arrivent. Des mineurs que l’on accueille à partir de seize ans, jusqu’à ceux qui sont proches de la retraite. Nous avons toutes les catégories sociales et professionnelles. Mais avant d’emmener les personnes dans la réalité métier et dans la dynamique d’acquisition des compétences, il y a plein d’autres choses à travailler. Donc, quelque part, la formation professionnelle a changé. Idéalement, tous les parcours devraient mener à une formation, une certification puis à l’emploi, c’est un schéma classique. Simplement, il faut désormais intégrer d’autres choses dans les parcours. Les modules transverses prônés par la Région Nouvelle-Aquitaine sur la solidarité, le développement durable, en sont le meilleur exemple. »

Le village de Pau regroupe déjà une dizaine de partenaires qui se retrouvent lors d’un conseil trois fois par an. On y compte des associations, des structures d’insertion, des établissements publics, des entreprises, des institutionnels… L’AFPA crée le champ des possibles, donne une vision de coopération mais c’est le collectif « village des solutions » qui sert le territoire et doit être animé par l’ensemble de ses acteurs. L’AFPA est ensemblier mais n’en est pas propriétaire.

Pour qu’un village des solutions fonctionne, il faut qu’il soit porté par l’équipe locale de direction, et que tous les collaborateurs AFPA soient « embarqués ». Il vit grâce aux partenaires, mais il faut d’abord que tous les formateurs, les personnels d’accompagnement, les métiers support, soient mobilisés. « Un formateur qui a une section de douze stagiaires à gérer, dont certains connaissent des freins à l’emploi, doit voir le village des solutions comme une possibilité, un outil facilitateur, parce qu’il n’est pas éducateur, assistante sociale ou agent immobilier. Le village doit le rassurer sur le fait que les problématiques de certains de ses apprenants vont être résolues. Il pourra se concentrer sur l’acquisition de compétences. Si c’est vécu comme cela par l’ensemble des collaborateurs, nous pouvons ensuite travailler au développement à l’externe. L’idée c’est qu’à partir d’un moment, on ne nous voit plus comme un simple organisme de formation, mais comme un atout qui vient faciliter les enjeux d’insertion sociale et professionnelle de tous sur le territoire. »