
Depuis 2021 Axe et Cible anime « la Forge des compétences » (notre article du 11 janvier 2024). Plus récemment, son projet Cap Echo a été retenu par l’AMI O2R de la DREETS, en consortium avec AKSIS TB, Konexio, Activ’Action, La Cravate Solidaire de Bordeaux, Entreprendre pour Apprendre Nouvelle Aquitaine. Marylène Costa, avec une équipe dédiée, a la responsabilité de ce dispositif, financé jusque fin 2027, qui a pour objet d’accompagner des publics jeunes et adultes éloignés de l’emploi dans quatre territoires girondins.
En quoi consiste Cap Echo ?
L’idée de la Forge des compétences est d’essaimer des modèles d’accompagnement pour des publics sur différents territoires. Les accompagner autrement, ou plutôt aller les chercher autrement. Dans cette logique, nous avons développé « Talent’co² », un pur produit CEJ Jeunes en rupture de la DREETS, sur les territoires ruraux de Sainte-Foy-la-Grande et de Coutras. Nous avons déjà fait plusieurs promotions et nous poursuivons cette action en 2025. Nous avons ensuite créé Cap Echo, en réponse à l’AMI O2R, toujours avec les notions de « aller-vers » et de communauté de pairs. Dans ce cadre, nous décidons de faire un focus sur certains quartiers et territoires. Cela fait de Cap Echo un dispositif qui vise quatre publics différents, selon quatre modalités différentes, puisque nos partenaires ne sont pas les mêmes sur chaque territoire.
Comment avez-vous choisi vos territoires d’intervention ?
Nous intervenons d’abord dans des lieux que nous connaissons déjà, pour y avoir déjà mené des expérimentations, comme à Coutras et le pays Foyen. Sur chacun des territoires retenus, nous avons zoomé sur des publics spécifiques. Par exemple à Lesparre-Médoc et Bordeaux maritime nous ciblons plus la problématique des femmes et des publics issus de bidonvilles de Saint-Laurent-Médoc.
Comment procédez-vous pour vous implanter ?
À chaque fois que nous sommes arrivés sur un territoire, nous rencontrons les décideurs, les communautés de communes, les services de la ville, toutes les instances collectives. Notre approche, outre de cibler certains publics, c’est de travailler avec plusieurs acteurs. Pour certains, ce sont des partenariats historiques. On n’est pas des experts en tout, donc on travaille à plusieurs. Et nous ne cherchons pas à faire du chiffre.
Quel est le rôle de vos partenaires ?
Nous testons des modèles différents, par exemple à Bordeaux maritime, Activ’Action travaille plutôt sur le collectif intensif au travers de « Bootcamp ». Sur Lesparre, nous travaillons sur la problématique de l’’illectronisme avec l’acteur Konexio qui intervient. À Coutras, avec Entreprendre pour Apprendre, nous traitons de la question de l’entrepreneuriat avec la création de mini entreprise. AKSIS TB, soutien sur l’accompagnement à l’entreprise. Et la Cravate Solidaire, son pitch emploi, sa cravate mobile, est avec nous sur tous les territoires ruraux.
Comment recueillez-vous les besoins des participants ?
Le préalable à l’entrée dans un parcours, c’est l’accueil inconditionnel dans nos espaces. Les gens entrent et sortent, ils observent. Et nous faisons pareil, on regarde, on observe. Nous pouvons nous rendre au domicile, par exemple si un jeune ne sort plus de chez lui. Nous avons aussi la possibilité de faire des entretiens dans des cafés, des bibliothèques, des médiathèques. Nous sommes hors et dans les murs avec eux, on s’apprivoise. Sur la partie accueil, nous utilisons la roue des besoins, avec laquelle nous travaillons le diagnostic, nous mettons en exergue les obstacles, puis c’est la mise en place des parades avec les accompagnateurs au travers d’un parcours co-construit.
Quels sont vos outils de repérage ?
Nous utilisons plusieurs modèles. Nous nous sommes professionnalisés pour apprendre à questionner les gens, les aborder. Nous avons appris à diagnostiquer en marchant. Quand nous repérons une personne, nous ne lui parlons pas d’emblée de notre accompagnement. C’est une erreur qu’on a pu faire par le passé. On discute, on échange, on recueille les besoins. Par exemple, nous avons une action qui s’appelle porte à porte, que l’on mène en binôme. Il y a une manière de les interroger, sans être insistant. Nous faisons aussi de l’accompagnement à domicile. Notre but est d’informer les gens, pas de faire la promotion du dispositif.
Ensuite, nous avons ce qu’on appelle le porteur de parole. Nous installons des écriteaux dans la rue, on écrit une question et les gens en discutent avec nous. C’est un média vraiment puissant. Nous avons aussi une tente information Proximité (TIPS) avec des zones à partager, des photos langages, des médias d’éducation populaire, que l’on installe en marge d’événements, de marchés, etc. Les gens s’y arrêtent, Ils se livrent et ils racontent leurs récits.
Qu’est-ce qui fonctionne le mieux pour capter les invisibles ?
Plutôt que d’invisibles, nous parlons de « non recourants. » Parce qu’ils n’ont pas recours au droit commun. Il y en a trois types : celui qui n’est pas informé, celui qui n’a pas envie d’y aller, celui qui ne sait pas lire ni écrire.
Par définition, les publics non captifs ne veulent pas être captés. Un stand classique ne fonctionne pas. Mais quand nous utilisons un média comme le porteur de paroles, une exposition, la personne la regarde et nous, à côté, on questionne l’exposition, pas la personne. Du coup elle entre dans le jeu sans le savoir, elle participe sans participer. C’est inconscient. Nous n’utilisons pas le même média sur tous les territoires. Pas de porteur de paroles à Coutras par exemple, ça ne marche pas, parce qu’il n’y a pas assez de passants. Il faut qu’il y ait un marché, un évènement. Mais en zone urbaine, c’est un support qui marche très bien.
Comment se déroule un parcours type ?
La personne signe un contrat de participation avec nous, comprenant quelques objectifs, mais on n’y met pas trop d’enjeux non plus. Les parcours durent six mois, avec un contenu très individualisé. Le calendrier comporte trois phases. D’abord le repérage, un à trois mois, avec un sas d’accueil, la sécurisation du parcours, les questions administratives et de rémunération. Après la phase de remobilisation, à partir du quatrième mois, on passe à la phase « action accompagnement. » À ce moment-là, le projet de la personne est mieux déterminé. Là on peut retrouver la cravate solidaire de Bordeaux, son soutien au pitch emploi, AKSIS TB et son soutien à la relation employeur. Et à six mois, le parcours « institutionnel », normé, s’arrête. Mais il peut durer jusqu’à douze mois, puisque nous effectuons des accompagnements plus longs et un suivi post promotion.
Que proposez-vous aux participants ?
Au bout de deux mois, nous commençons des ateliers coopératifs, comme « la fabrique à solutions » et le suivi se poursuit en parallèle avec les accompagnateurs et accompagnatrices lors de cette étape « inspiration », ou remobilisation, les partenaires démarrent également leurs actions collectives. Chaque participant est libre d’aller sur telle ou telle action collective. Ce ne sont pas toujours les mêmes groupes, cependant on constate qu’il y a le plus souvent un « noyau dur » qui se met en place. Des personnes qui vont inspirer les autres. Dans ces ateliers, on travaille la confiance en soi, on trouve des solutions aux différents freins, on développe des compétences, tout cela en s’appuyant sur des démarches d’intelligence collective. Dès cette phase, nous inscrivons les bénéficiaires auprès du réseau pour l’emploi.
Nous ne nous contentons pas de leur délivrer du contenu descendant. Nous créons des communautés de pairs, où tous les publics sont mélangés, nous parions sur le fait que ça va fonctionner. Nous nous mettons en posture de facilitateur. La mixité est puissante dans le vivre ensemble. Souvent les personnes ont aussi besoin de sortir de leur milieu, de rencontrer d’autres gens, de partager leurs expériences. Nous ne forçons personne, elles sont volontaires pour aller vers l’emploi. Jeunes, mamans, l’objectif est le même pour tous.
Quand estimez-vous qu’un parcours soit réussi ?
Nous avons des indicateurs classiques pour les sorties en emploi et en formation. Mais nous parlons de « sorties favorables » dès lors que la personne est en mouvement, en action, en pouvoir d’agir, qu’elle a acquis une certaine autonomie. Nous regardons également si la motivation a été augmentée, si elle a pu développer des compétences transférables. Si et comment les bénéficiaires se sont inscrits auprès du réseau pour l’emploi. Parfois, nous partons de loin. Le plus important pour nous, c’est que les personnes ne restent pas isolées.
Cet article est publié pour le compte de « La Place », la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine :