Trouve ta voie vers la formation ou l’emploi

Paroles d’acteurs

La Croix-Rouge comprend trois entités distinctes. Le groupe Croix-Rouge, Croix-Rouge Compétences, en charge des formations, et Croix-Rouge Insertion, créée en 2012, qui s’occupe d’accompagnement professionnel. Croix-Rouge insertion a été retenue par l’AMI O2R pour son projet « Trouve ta voie ». Nacéra Ouriachi, chargée de projet et Gonzague Amyotdinville, directeur, expliquent le principe de cette action déployée depuis mars sur le territoire de l’agglomération de Pau et plus récemment sur le Pays basque intérieur.

Pourquoi avoir répondu à O2R ?

Notre structure principale est un atelier chantier d’insertion, nous sommes sur l’insertion par l’activité économique. Initialement, Croix-Rouge Insertion a été créée pour permettre une logique de parcours entre les personnes accueillies dans les épiceries sociales, les « vestiboutiques », pour du soutien scolaire, et qui se rendaient utiles en faisant du bénévolat. Les personnes acquéraient des compétences pendant ces activités, mais elles n’arrivaient pas suffisamment à les valoriser pour les faire figurer dans un CV ou les mentionner lors d’un entretien avec un recruteur. C’est pourquoi la Croix-Rouge a créé cette passerelle, une étape professionnalisante pour accéder à un emploi durable ou une formation qualifiante pour les personnes en grande exclusion

Aujourd’hui, dans le cadre O2R, on est en lien avec les unités locales de la Croix-Rouge qui sont au plus près du terrain. Ce sont elles qui font des maraudes, des accueils de jour, qui gèrent les épiceries sociales, etc. Par l’intermédiaire des bénévoles, elles repèrent des personnes susceptibles d’intégrer « Trouve ta voie. » Donc le repérage se fait via les actions de solidarité portées par la Croix-Rouge ou par d’autres acteurs de solidarité quand elle n’est pas présente, comme les Restos du cœur ou le Secours Catholique.

Trouve ta voie, est-ce une nouveauté pour vous ?

Avant O2R, nous avions le dispositif « Action avenir », dans le cadre du PIC 100% inclusion, qui présentait quelques similitudes avec « Trouve ta voie », mais avec un sourcing des personnes moins présentes dans des actions d’aller vers. Donc nous avions déjà expérimenté une action avec laquelle nous avons remobilisé et accompagné plus de 100 personnes en 2 ans. « Trouve ta voie » s’inscrit dans la continuité, en consortium avec l’AFPA, et en lien avec les unités locales de la Croix-Rouge.  Un des mots-clés aujourd’hui du projet associatif national de Croix-Rouge c’est « relever », et donc ça participe pleinement à ce souhait d’aider à relever des personnes par un soutien de la Croix-Rouge.

Pour déployer le dispositif, il a fallu d’abord le faire connaître, il y a eu toute une phase d’apprivoisement. Certains intervenants l’ont très bien accueilli, d’autres un peu moins parce qu’ils sont déjà présents sur le territoire et nous considèrent un peu nous rajoutant à des actions existantes. Il faut du temps. Maintenant nous voyons des acteurs revenir vers nous alors qu’ils ne s’étaient pas montrés intéressés au début. Notre message c’est d’expliquer au contraire que nous sommes complémentaires, que nous apportons un accompagnement renforcé.

Est-ce que vous visez un public particulier ?

Aujourd’hui on est sur des publics « de rue », d’où les maraudes, les accueils de jour, etc. Tous les âges sont représentés, toutes les catégories sociales, c’est un public assez large

Pour effectuer le repérage, avez-vous mis en place des choses particulières ? 

Nous utilisons les ressources internes à la Croix-Rouge, les bénévoles qui nous orientent des personnes. A nous de vérifier, en lien avec France Travail, si elles ont le profil pour entrer dans le dispositif. Nous avons également fait des présentations auprès de divers organismes. Et comme nous sommes mieux connus maintenant, nous faisons moins de repérage qu’au début. On reçoit aussi des personnes qui nous ont découvert avec notre flyer ou nos cartes de visite. Sur le Pays basque intérieur, on s’appuie sur les secrétariats de mairie et les élus. En zone rurale, les maires ont une connaissance assez fine de leurs administrés et de leurs besoins. Ils nous mettent des locaux à disposition pour faire nos entretiens. Nous sommes également en contact avec le Secours Catholique et son « fraternibus », un camping-car aménagé pour recevoir du public. On essaie d’aller au plus proche des gens, mais on ne va pas jusqu’au domicile, on trouve ça trop intrusif. Le repérage se fait aussi, et de plus en plus, par le bouche-à-oreille.

En quoi consiste la remobilisation ?

La remobilisation repose sur quatre piliers. Le premier est un partenariat avec l’AFPA qui propose des modules pour travailler sur l’estime de soi. Ensuite, nous avons voulu utiliser notre marque Croix-Rouge afin de proposer aux personnes repérées de participer à une formation aux premiers secours. Le troisième axe, c’est le bénévolat, l’engagement solidaire. Nous partons du principe que si les personnes « accrochent » avec nous, elles vont s’intéresser à ce qu’on fait et intégrer nos équipes de bénévoles. 

Enfin quatrième axe, c’est la dimension artistique. On pense que toutes ces personnes qui se sentent exclues, ont des talents artistiques. C’est un moyen d’expression qui est peut-être plus accessible pour eux, que ce soit par la pratique d’un instrument, de la photographie, du chant, etc. On s’est inspiré de l’unité locale de Bayonne, et du Secours Catholique qui mettent à disposition un atelier d’art aux personnes à la rue, pour qu’elles viennent s’exprimer. Tous les ans, ils organisent une exposition avec les œuvres produites

Comment se déroulent vos parcours ?

Notre objectif est de ramener les bénéficiaires dans le droit commun en cinq mois. À partir du repérage, puis la remobilisation et l’accompagnement, nos parcours vont de trois à six mois, en entrées sortie permanentes. Nous devons avant tout les sécuriser sur le plan administratif, avant de passer à la phase de remobilisation et d’accompagnement.  Il nous arrive de faire les deux à la fois, mais c’est toujours au cas par cas, chaque personne est différente, avance à son propre rythme. Quelqu’un qui a connu la rue pendant des années, on ne le remobilise pas en un coup de baguette magique. Il faut du temps, cinq mois c’est très court, même si c’est toujours ça de gagné pour rebondir. En revanche, on n’aura pas la possibilité de faire des parcours d’un an et plus. Au bout de six mois, on échange avec France Travail pour savoir si on maintient ou pas une partie de notre accompagnement. Si on ne va pas au bout, il y a le risque de revenir à la case départ.

À quel moment parlez-vous projet professionnel ?

Le premier jour quand on les reçoit, on leur présente le dispositif et on leur demande s’ils ont un projet professionnel. Mais surtout, on commence par leur demander ce qu’ils ont fait par le passé. Et on arrive petit à petit au projet professionnel. Il faut rester dans la souplesse, ne pas heurter, accompagner la personne jusqu’à ce qu’elle trouve sa posture et ce qu’elle veut réellement faire. Sans pour autant l’influencer en lui faisant des propositions. On lui laisse le temps de prendre ses marques.

Quelles sont les perspectives d’un tel projet ?

Il est très enthousiasmant de chercher à raccrocher des personnes qui en expriment le besoin. Pour autant, il peut y avoir quelques points de vigilance dans l’action. Le premier, c’est qu’il nous semble que des dispositifs similaires ont été portés ou restent portés par d’autres associations, et ça peut créer de la confusion sur le territoire et chez les personnes. Ensuite, chercher des “invisibles” en milieu rural est très complexe. Le troisième point, c’est un besoin de renforcer la communication avec France Travail, pour vérifier l’éligibilité des publics et la transmission des situations en fin de parcours O2R. Il y a un risque de doublon qui peut avoir comme incidence de perdre les personnes remobilisées.

Selon vous, que faudrait-il améliorer dans le dispositif ?

Vraisemblablement avoir davantage de souplesse dans la durée du parcours et la relation avec les institutions de droit commun qui prennent le relais. Pour certaines personnes, ça peut aller très vite, pour d’autres beaucoup moins, quand ils ont des grosses problématiques, des faibles moyens financiers, ou une mauvaise maîtrise du français… Avec les bénévoles, on a mis en place beaucoup de choses pour accélérer le rythme, mais ça n’est jamais suffisant. Il faudrait pouvoir mettre en place des parcours plus longs

Cet article est publié pour le compte de « La Place », la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs de l’AMI O2R et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine :

https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx