
En 2023, la mairie de Mimizan plage cherchait à monter un projet susceptible d’apporter une réponse au manque de logements destinés aux jeunes actifs et aux saisonniers. Les élus sont alors entrés en contact avec l’association « La Smalah » (Saint-Julien -en-Born) pour s’informer sur son action de formation professionnelle au métier de constructeur bois, centrée sur la fabrication de tiny houses. Ils souhaitaient monter un programme similaire sur le site d’une ancienne hélistation, successivement propriété de l’armée puis de l’office national des forêts, qui comporte un ancien hangar à hélicoptères et quelques chambres individuelles.
Avant de solliciter La Smalah, la municipalité s’était tournée vers un bailleur social qui envisageait de raser les bâtiments et de tout reconstruire à neuf. « À l’inverse, notre projet proposait de rénover l’existant, pour un coût moindre, » explique Vincent Péchaud, directeur. « Et à terme, de loger des jeunes actifs à des loyers modérés et de les accompagner dans leur intégration sur le territoire, en offrant des services classiques que l’on peut trouver dans des résidences d’habitat social. Nous voulions aussi y ajouter une dimension tiers-lieu, avec une programmation socioculturelle ouverte sur le village. Je crois que les élus ont été séduits par notre proposition de faire de l’accompagnement de jeunes, pas seulement de la construction de logements. »
Le projet a été monté en deux phases. La première consistait à rénover les bâtiments, créer trois chambres supplémentaires, une cuisine et un grand lieu de vie partagés. Dans un premier temps, il s’agissait d’y accueillir des saisonniers pour la période estivale, notamment des nageurs sauveteurs. Le principe de la démarche, avec l’aide de l’architecte Nicole Concordet et du concept de « permanences architecturales », était de mettre en œuvre une maîtrise d’usage autant qu’une maîtrise d’œuvre, c’est à dire partir du bâtiment, y vivre pour en déterminer les besoins et utilisations, ainsi que ses aménagements. Le tout en lien avec les habitants et les usagers, etc.
Architecture sur site
Lors de cette première phase, le collectif d’architectes et scénographes bordelais Cmd+O (Commando), est venu vivre quelques mois sur le site, au cours de la rénovation. Spécialisés dans les chantiers participatifs, ils ont accueilli des jeunes en formation à La Smalah, mais aussi des habitants du territoire et des futurs salariés d’une entreprise à but d’emploi (EBE) à Mimizan. Des artisans locaux et les services techniques de la mairie ont aussi participé au chantier. C’est ainsi que 150 m² d’espace de vie et 10 chambres ont été construites ou rénovées avec 80% de matériaux de réemploi et de dons d’entreprises locales.
La deuxième phase, qui prendra place en 2025, prévoit la construction de dix nouveaux logements individuels, toujours en situation de formation sous forme de chantier participatif. L’ensemble se veut exemplaire architecturalement, étant soumis à la loi littorale, aux contraintes de montée des eaux, de retrait du trait de côte, etc. L’idée est de faire un bâtiment déplaçable qui pourra au besoin, être démonté et replacé plus loin à l’intérieur des terres.
En cours de chantier, il ne s’agissait pas à proprement parler de formation, mais plutôt d’animation ou d’initiation. « Dans le cadre de notre formation en construction de tiny houses, les jeunes ont un mois de stage. Trois d’entre eux ont choisi de le faire avec les architectes constructeurs de l’hélistation, ainsi que chez un artisan local qui travaillait sur le projet. Ensuite, nous avons accueilli des jeunes en remobilisation qui ont, eux aussi, fait un stage sur le site. »
Côté public, outre les saisonniers, le projet entend apporter une solution au manque de logements sur le territoire, notamment pour les jeunes actifs de moins de 30 ans. Cette volonté nécessite de trouver un modèle économique durable, il implique de chercher des financements, par exemple sous forme de partenariat avec un bailleur social. L’objectif est de choisir un cadre modulaire, peut-être celui de l’auberge de jeunesse ou du Foyer de Jeunes Travailleurs, pour que des jeunes en insertion ou en formation puissent être logés, ainsi que potentiellement des jeunes actifs et des saisonniers.
« À terme, les vingt-cinq logements prévus n’auront pas la capacité de régler le problème dans son intégralité, mais ce sera un début. Globalement nous avons une problématique d’intégration de la jeunesse sur nos territoires qui sont très vieillissants, et accaparés par des maisons secondaires. Notre réflexion porte sur la manière d’intégrer les jeunes et de les encourager à rester sur le territoire. »
Le projet de La Smalah comporte également une partie animation culturelle, qu’elle envisage de mettre en place dès cet hiver, pour accompagner la location des premiers logements. Elle aurait pour ambition, par l’organisation de quelques événements, de communiquer sur le lieu et de l’ouvrir aux habitants du territoire. La programmation culturelle sera complétée par un dispositif d’accompagnement pour les résidents, ou toute autre personne qui aurait besoin d’une permanence en économie sociale et familiale, en psychologie, en conseil socio professionnel.
« À moyen terme, si ce lieu tourne avec vingt-cinq couchages en permanence, nous aurons un bureau sur site, un directeur ou une directrice, et certainement un salarié mutualisé avec La Smalah, qui sera présent une journée par semaine par exemple. »
Plus que des logements
La philosophie tiers-lieu est revendiquée par La Smalah, même si elle ne présente pas d’emblée son projet comme tel, mais bien comme la création d’une résidence d’habitat jeunes. « Dans la dimension tiers-lieu, ce qui nous intéresse c’est le côté implication des citoyens dans un projet de développement local, le côté gouvernance partagée et d’ouverture. L’été prochain, les maitres-nageurs sauveteurs reviennent et on peut imaginer qu’à l’automne suivant les travaux commencent. Le chantier est en soi une dynamique d’ouverture. »
« Le projet a été officiellement présenté aux habitants par la mairie, avec notamment des ateliers ouverts au public, des articles de presse, etc. Réussir ce projet nous intéresse beaucoup, Il pourrait illustrer notre savoir-faire, et nous offrirait la possibilité d’aller voir d’autres mairies pour leur proposer le même genre de démarche. Je sais que certaines d’entre elles veulent aussi impliquer les acteurs économiques et les employeurs, parce que ces grands projets coûtent cher. »
Si tout se passe bien, et dès que les derniers obstacles administratifs seront levés, le lieu devrait être complètement opérationnel courant 2026. Sa configuration finale n’est pas encore connue. Le nombre de logements dépendra des normes liées aux agréments qui seront demandés. Ainsi, pour être labellisé « résidence sociale », il faut être en mesure de proposer des logements individuels, avec une cuisine et une douche par logement.
« Nous savons que, pour avoir ces agréments et être à l’équilibre économiquement, il nous faudrait disposer de soixante logements, ce qui ne sera pas notre cas. Donc nous allons essayer de trouver une sorte d’agrément ou de modèle intermédiaire. Il reste beaucoup d’inconnues, un certain nombre d’éléments ne dépendent pas de nous. C’est un projet très séduisant sur le papier, mais qui dépend de plein de choses. Aujourd’hui, on ne sait pas vraiment quand on arrivera au bout, et si on arrivera au bout. »