
Altea Cabestan est une association rochelaise employant 170 salariés. Elle comprend un pôle social, avec notamment des centres d’hébergement, et un pôle insertion disposant d’un chantier et d’un restaurant d’insertion, ainsi que d’une agence immobilière à vocation sociale. Elle propose également des actions de formation et un accompagnement vers l’emploi, notamment depuis 2022 avec son projet Connexions, financé par l’appel à projets régional « Mobilisation Formation ».
Les activités de formation de l’association existent depuis 1984. Leur principe est d’être accessible aux habitants des quartiers de La Rochelle. Elles sont complétées par des actions d’accompagnement vers la formation, menées en amont. Elles ont pris différentes formes, parfois plus axées sur l’accès aux droits, ou sur le numérique, en dirigeant les publics vers les partenaires pour l’insertion professionnelle ou vers les centres sociaux pour les questions familiales.
Pour Christophe Petit-Clair, responsable des services insertion et formation, « tout ce travail en amont est invisible. Il se fait de toute façon déjà autour des actions illettrisme et de l’HSP socle. Si nous pouvons développer des actions comme Connexions, qui se concentrent sur ces aspects, c’est un plus. Et s’il y a la volonté d’aller au plus près des publics, c’est encore mieux parce que c’est aussi ce que nous recherchons. »
La réponse déposée par Altea Cabestan comporte trois axes de travail. Le premier, l’animation du réseau local. De fait, l’HSP socle repose déjà sur un réseau, plutôt lié aux prescripteurs habituels. L’ambition était d’élargir le réseau, d’y inclure des structures qui orientent moins, mais rencontrent tout autant les publics. « Nous avons pris le temps de contacter des associations caritatives, les maisons France service, le CCAS, l’ADEI, le service militaire volontaire, des structures que l’on connaissait, mais que l’on croise beaucoup plus ponctuellement, parce qu’elles travaillent moins directement sur l’HSP. Notre idée était d’en voir le maximum. »
« D’ailleurs plutôt que de réseau on parle beaucoup de lien partenarial, précise Hélène Syrot, coordinatrice formation. « En fait c’est une extension du lien partenarial. Développer l’information permet de travailler dans un premier temps sur le repérage, puis sur l’orientation et ses modalités. »
De voisin à parrain
L’axe deux est celui du parrainage, du pair à pair, en complément du travail de « aller-vers » déjà mené parfois sur l’espace public ou en pied d’immeuble. Partant du principe que les personnes qui connaissent déjà la structure, parce qu’elles y ont suivi une formation, vont parler de leur expérience et accompagner leurs connaissances, voisins, amis, famille. Il s’agit en quelque sorte d’une autre modalité d’accueil, ne reposant pas sur un entretien individuel, mais qui se fait dans un cadre convivial, un goûter ou un « café discute ». L’axe deux propose également les ateliers « Premières marches ». Ils permettent, lorsque les personnes sont repérées ou orientées, de les recevoir rapidement et simplement sur une solution de démarrage des apprentissages, tout en travaillant l’accès aux dispositifs de formation.
Troisième axe, la sensibilisation à la question de l’illettrisme qui vise en priorité les médiateurs numériques de l’agglomération, mais concerne également tous les autres partenaires. Qu’est-ce qu’est l’illettrisme, comment en parler, comment orienter et vers quel intervenant ? Ces interventions permettent de décomplexer le sujet, de le clarifier, de proposer un panel de solutions. Le constat de l’association est que les professionnels repèrent déjà. Ce qui leur manque ce sont les outils pour aller plus loin. « La sensibilisation, nous n’en faisions pas avant sous cette formule. Nous avons pris conscience du besoin qui pouvait exister autour de cette question. Ces séquences demandent autant de temps que les actions menées directement avec le public. »
Dans ce domaine, c’est la récurrence dans les échanges entre partenaires qui est susceptible de produire des effets. Plus ils travaillent ensemble, moins il est compliqué de repérer et d’orienter. Le problème est le turnover que connaissent les structures, qui oblige à relancer les sensibilisations régulièrement. Afin de proposer une réponse rapide, Altea Cabestan fait la promotion de son numéro de téléphone unique. Son but est d’inciter les personnes à franchir la porte et à entamer une démarche, quitte à ce qu’elle se poursuive ailleurs.
« Nous avons décidé de mener nos trois axes de front. L’animation du réseau c’est un travail en continu. Comme les actions de formation, en entrée sortie permanente. Notre volonté est d’orienter aussi vite que possible toutes les personnes en demande d’apprentissage, qui sont en attente d’une réponse immédiate. On tire toutes les ficelles possibles. Avec chaque personne, on définit d’où elle préfère partir et vers où elle veut aller. » Rentrer sur un dispositif de formation comme l’HSP demande du temps, et un peu d’organisation personnelle. C’est là que les ateliers Première marches se révèlent utiles, accessibles immédiatement et sans condition, en attendant d’engager une formation.
Côté personnes éloignées de l’emploi, la tendance depuis deux ans est à l’augmentation des problèmes de santé, physiques ou psychologiques, ainsi qu’au cumul de difficultés. Et ce, quels que soient les types de public. « Sur la formation on a vu arriver depuis quelques années un public en reconversion suite à des problématiques de santé, et qui doit se reconvertir dans des métiers plus administratifs. Souvent, l’accès au numérique, par exemple, devient un problème. Ces personnes qui ont été qualifiées et diplômées dans les années 80 se retrouvent assez démunies face à une reconversion professionnelle, et doivent se remettre dans les apprentissages. »
Le public en situation d’illettrisme a lui aussi évolué. Les personnes qui n’avaient pas appris à lire et écrire, fréquents il y a une vingtaine d’années, n’existent quasiment plus. Aujourd’hui en majorité, il s’agit de personnes « installées », qui ont occupé longtemps le même poste, ont développé des stratégies d’évitement, et pour qui la question de l’illettrisme ne s’est jamais véritablement posée. Jusqu’au jour où elles sont confrontées à des évolutions brutales (changement de poste, de machine, de process, licenciement…) ou des problèmes de santé.
Faciliter l’accès aux dispositifs
« On sait qu’on ne captera jamais tout le monde, ça c’est une certitude. En revanche, Connexions nous permet effectivement de repérer les personnes à côté desquelles nous serions passées. Il existe de nombreux dispositifs divers et variés, mais l’enjeu c’est que les publics y accèdent facilement, sinon on prend le risque de n’accueillir que les plus autonomes. Ce que nous constatons également, c’est le besoin du public de trouver des lieux et des actions dont l’accès est facile (sans conditionnalité et prérequis) et sans jugement. »
L’association fonde ses actions sur ce principe de non-jugement, ainsi que sur la mixité des publics, qui facilite les échanges entre personnes de différents horizons et niveaux. Elle privilégie le travail sur l’autonomie et l’instauration d’une relation de confiance. Au-delà de la formation, le lien social est primordial, au sein d’un espace où les personnes se sentent bien et peuvent reprendre confiance en elles.
« C’est une demande récurrente, celle d’avoir le temps de se poser et de reprendre un parcours concret, efficace avec des objectifs atteignables et mesurables. Nous sommes toujours disponibles, mais le but n’est pas d’accompagner les gens pour tout et n’importe quoi, toute leur vie. Ce qu’on fait ne porte pas ses fruits immédiatement, cela peut être des mois ou des années plus tard. Il ne faut pas que ce soit frustrant, parce que ça fait partie du jeu. »
En 2025, Altea Cabestan a décidé d’étendre l’action du projet « Connexions » au public accueilli par l’association à Rochefort, en Centre d’Hébergement de Réinsertion Sociale et en Maison Relais. Elle va mettre en place des ateliers Premières marches pour franchir le palier, parfois très grand, entre la structure d’hébergement et une entrée en formation.
« Pour nous, tout est question de temps disponible. Temps nécessaire pour entretenir le réseau de partenaires, temps nécessaire pour accompagner les publics vers les dispositifs. Une partie d’entre eux arrivent directement sur l’HSP, mais les autres ont besoin de ce temps-là. Nous voudrions aussi aller à la rencontre des entreprises, pour y mener des sensibilisations. »