
En 2024, l’association OHÉ-PROMÉTHÉE Charente a répondu à l’AMI O2R afin de déployer le dispositif « Cap’inclusion » dont l’objectif est de sécuriser le parcours socio-professionnel des jeunes en situation de handicap en fin de scolarisation et/ou sans solution d’accompagnement adapté à leur situation. L’équipe de Cap’inclusion est composée principalement d’une chargée de mission inclusion (Florence Ilboudo) et d’un animateur (Wilfrid Andrieux).
Quel est l’historique de votre dispositif ?
Cap’inclusion vient surtout d’un partenariat de longue date entre Ohé Prométhée Charente et l’Education nationale, avec le soutien des coordonnateurs des Unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) des lycées professionnels du département de la Charente. Certains jeunes sortaient du parcours scolaire sans solution d’accompagnement adaptée à leur situation.
Avec le soutien de la DDETSPP nous avons alors mis en place une mission inclusion jeunes qui nous a permis durant quatre ans d’accompagner les jeunes et leurs familles dans le travail de projet professionnel, et de les informer sur les dispositifs existant via les partenaires, mission locale, Ecole de la deuxième chance, Promo 16 18, Structures spécialisées comme les Institut Médico Professionnels (IMPro, Plateforme Emploi Accompagné…). L’étroite collaboration avec les enseignants a mis en évidence les besoins d’intervenir précocement auprès des élèves en fin de scolarisation pour sécuriser leur parcours d’orientation socio-professionnel. C’est comme ça qu’est né Cap’inclusion, une façon de pérenniser notre mission inclusion.
Quel est le profil des jeunes que vous visez ?
Ce sont des jeunes très éloignés de l’emploi, avec tous types de handicaps et qui manquent d’autonomie. Beaucoup souffrent de phobies sociales, c’est surtout ça qui fait que les jeunes sont reclus chez eux. Il faut qu’ils soient sans solution d’accompagnement adapté, qu’ils aient une notification de la MDPH (RQTH, AAH…), et surtout qu’ils ne soient pas suivis dans un parcours d’insertion suivi par un organisme du réseau public de l’emploi (mission locale, France Travail, Cap emploi…). Nous leur proposons un accompagnement renforcé, parfois en les prenant par la main, comme avec les jeunes ayant des difficultés d’élocution qui ont besoin que l’on soit présent lors des entretiens avec des employeurs.
On pourrait penser que ce public est déjà repéré par différents acteurs ? Ce n’est pas le cas ?
En fait aujourd’hui ces jeunes sont repérés par différentes institutions, mais il n’y a aucune structure pour les accompagner dans leur projet socio-professionnel. Leurs parents sont démunis et ne savent pas du tout quoi faire. Ils peuvent toujours être scolarisés, ou être en rupture parce que leur handicap a pris le dessus, ou qu’ils subissent des freins sociaux importants. Notre objectif est de repérer ces situations-là.
Notre repérage consiste surtout à faire le lien avec les partenaires du territoire, l’école, le CIO, ou encore les parents. Nos partenaires nous les envoient, on a des fiches de repérage. On les reçoit pour vérifier qu’ils ne sont pas déjà accompagnés par une structure, même s’ils nous disent que non. On essaie de savoir depuis quand ils sont chez eux, ce qui a été fait dans leur parcours. Nous organisons des entretiens avec les familles pour comprendre la situation, comment ils peuvent rejoindre le dispositif et les informer sur les dispositifs existants.
Selon vous, quelles sont les causes du manque d’informations ?
La Charente est très rurale, il y a beaucoup de parents qui ne connaissent pas les dispositifs, ils sont souvent perdus. Ils tentent des choses mais sont démunis, et ne savent plus quoi proposer à leurs enfants. Les jeunes qu’on repère sont souvent avec un statut scolaire, donc il y a du monde autour d’eux (AESH, orthophoniste, souvent le SESSAD…) La difficulté vient quand il faut passer du milieu scolaire au monde professionnel. Pour certains, il est trop précoce d’envisager le milieu ordinaire, il faut plutôt les diriger avant vers un IMPro. Parfois il y a vraiment besoin d’une structure médicosociale pour travailler les comportements, avant d’aller vers le milieu ordinaire. Ça n’est pas toujours compris par les familles. C’est cette transition qui est la plus difficile.
Cap’inclusion, c’est la continuité de ce que vous faisiez avant, ou vous avez modifié votre approche ?
On a dû se réinventer, parce qu’on s’est rendu compte qu’il fallait vraiment avoir un animateur dédié pendant quatre semaines, pour prendre les jeunes en main, leur redonner confiance, les sécuriser. C’est le plus de ce dispositif. Durant les quatre dernières années, notre rôle principal auprès des jeunes, des familles et des enseignants était d’informer, d’accompagner et de réorienter vers les dispositifs existants. À présent, avec la phase de remobilisation, nouvelle pour nous, il a fallu tout construire, déterminer de quoi les jeunes ont besoin, comment les faire se lever le matin, leur donner l’envie de venir vers nous, de bouger en fait. On ne le faisait pas avant, ou plutôt par l’intermédiaire d’autres partenaires. Depuis avril 2025, nous sommes en période d’expérimentation avec un premier groupe de jeunes.
Comment se déroule la phase de remobilisation ?
La remobilisation dure quatre semaines. Chaque mois, nous avons un nouveau groupe d’une dizaine de jeunes. L’objectif est de les faire sortir de chez eux. Au travers d’ateliers collectifs, d’activités culturelles et sportives, on amorce le projet socioprofessionnel. Nous sommes deux à mener ce projet dans la structure, et on s’appuie sur un réseau de partenaires.
Qui sont les partenaires qui interviennent dans le dispositif ?
Nous avons des entreprises engagées comme TRANSDEV qui permet le déplacement des jeunes vers les évènements culturels et sportifs (comme l’action Equitation avec UPCA). La STGA (Société de transport du Grand Angoulême) vient faire de la sensibilisation à la mobilité, nous accompagner pour apprendre à faire un trajet en bus. Avec la CPAM, nous pouvons proposer des bilans santé, mais aussi des ateliers thématiques sur l’alimentation, la vie sexuelle et affective, les addictions. Le CIJ et L’ERIP sont sollicités pour travailler le projet professionnel. Pour les sorties culturelles, nous avons la médiathèque d’Angoulême (l’Alpha) et l’office de tourisme. Au démarrage nous déterminons le programme, mais par la suite, nous voulons que les jeunes choisissent ce qu’ils veulent faire.
L’Education nationale nous met aussi à disposition une enseignante qui assure des temps de soutien en individuel. Au besoin, on peut orienter un jeune vers les associations de lutte contre l’illettrisme. Beaucoup de nos partenaires savent que cette mission est importante. Ils ne peuvent pas nous attribuer des budgets, mais sont prêts à nous fournir des moyens humains ou matériels.
À quoi s’engagent les jeunes quand ils participent à Cap’Inclusion ?
Ils signent un contrat d’adhésion de six mois maximums, dans lequel ils s’engagent à participer activement à toutes les phases, à être présents aux activités et ateliers proposés par l’animateur pendant la remobilisation. Ils ont des rendez-vous individuels pour travailler leur projet et leur CV. Et puis aussi des actions en autonomie, par exemple pour la recherche de lieux de stages. Si certains jeunes ont déjà des projets en tête, on n’attendra pas quatre semaines pour les travailler avec eux. Surtout, on s’assure que ces projets soient réalistes et réalisables, on les confronte à la réalité. S’ils trouvent une formation qui les intéresse, ils peuvent partir avant le délai maximum. Le but c’est avant tout de leur remettre le pied à l’étrier.
En quoi consiste votre accompagnement au projet professionnel ?
Notre approche c’est la découverte des métiers, sous la forme « un jour, un métier en action », par des immersions, mais aussi le bénévolat, le service civique… l’école ne les intéresse plus ou leur fait peur. On peut aussi multiplier les mini stages dans les organismes de formation. C’est la mise en action de ces jeunes que nous recherchons, les confronter à la réalité du milieu ordinaire. Ils veulent tous travailler, mais il faut leur montrer des réalités comme se lever le matin, mettre ses EPI, passer une journée dehors à tondre le gazon, etc. C’est ce qu’on va mettre en avant dans l’accompagnement pour valider un projet.
Est-ce qu’il y a des métiers à éviter ? Ou plus adaptés que d’autres ?
On tient vraiment à ouvrir le champ des possibles. On s’interdit de considérer que tel profil ne peut pas, par principe, aller à tel endroit. Le mieux c’est de se confronter à la réalité, par exemple lors de visites d’entreprise. C’est souvent comme ça que le jeune voit si ça peut lui convenir. En faisant des petits pas, on arrive à définir ce qui leur correspond. C’est l’environnement de travail qui va véritablement jouer. Ils rêvent tous de travailler dans certaines entreprises, mais une visite suffit parfois à leur faire changer d’avis.
Il faut d’abord déterminer ce qui leur plait, ce qui leur donnera la force de se lever tous les matins. Mais on ne ferme la porte à aucune envie. Evidemment, la marche peut être plus ou moins haute en fonction de chaque situation individuelle. S’ils trouvent un emploi (CDD, contrat d’apprentissage, service civique…), on peut faire intervenir un ergonome de Cap emploi 16 pour évaluer les besoins éventuels en compensation du handicap au poste de travail (aménagement technique, organisationnels, humain…).
Que se passe-t-il quand ils quittent le parcours après les six mois ?
Pour certains jeunes, ils auront l’occasion d’aller vers une formation, pour d’autres d’aller vers l’emploi (contrat d’apprentissage, service civique, CDD…). Pour ceux qui auront besoin de plus de temps, un comité local de suivi avec le réseau public de l’emploi, est organisé pour évaluer l’évolution socio-professionnel du jeune afin de l’orienter vers le partenaire le plus adapté avec inscription auprès du Réseau public de l’emploi (France Travail, Cap emploi, mission locale…).
Cet article est publié pour le compte de « La Place », la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs de l’AMI O2R et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine :