Être mini entrepreneur un jour, une semaine, une année

Paroles d’acteurs

Entreprendre Pour Apprendre (EPA) est une association en développement qui, depuis plusieurs années, propose aux établissements scolaires des projets destinés à faire vivre aux jeunes et à leurs enseignants une « aventure entrepreneuriale collective ». Ces programmes ont pour nom « Mini-Entreprise », en format « S », « M » ou « L » en fonction de leur durée et de leur ambition. Ils sont mis en place avec les établissements en collaboration avec le rectorat et la mission académique école entreprise. Par ailleurs, EPA est labellisé « tiers de confiance » par la Région Nouvelle-Aquitaine ce qui lui donne une légitimité certaine vis-à-vis de tous les acteurs.  

Son public est composé de collégiens et lycéens, dans des proportions qui varient d’une année sur l’autre. Les établissements relèvent pour l’essentiel de l’Éducation nationale ou de l’enseignement agricole, situés à Bordeaux, mais également en zone rurale où ils ont moins de propositions d’animations de projets. L’association intervient également dans des écoles d’ingénieurs, des facultés, certaines missions locales, et mène quelques actions ponctuelles pour des publics mixtes. Plus des deux tiers des établissements restent fidèles aux programmes, et les reconduisent chaque année. Ce ne sont pas toujours les mêmes enseignants qui les portent, pas toujours selon le même fonctionnement.

Les différentes formules se distinguent par leur durée et leurs modalités. Les plus courtes, les « Mini S », se déroulent sur une journée. Elles ne nécessitent aucune préparation particulière et sont donc faciles à mettre en œuvre. Selon Anaïck Jusy, directrice d’EPA, « à partir du moment où les enseignants voient la façon dont on travaille sur une journée, ils ont souvent envie d’aller un peu plus loin et de mettre en place des programmes un peu plus longs. » Plus généralement, tout dépend de la volonté des enseignants d’investir du temps avec leurs élèves. EPA les accompagne dans cet exercice, les forme, leur propose des réunions régulières en visioconférence, des visites, etc. Gérer de tels projets leur demande du temps, surtout la première année, quand ils découvrent le concept.

« Le but de nos programmes est avant tout de révéler le potentiel des jeunes, on n’est pas strictement sur la culture de l’entrepreneuriat. Notre objectif est vraiment l’orientation et l’insertion professionnelle à travers la connaissance de l’entreprise. On est dans la pédagogie active, les jeunes découvrent des métiers en les pratiquant réellement. Certains se découvrent des talents en communication, en commercial, dans la prise de parole en public. Ils développent leur confiance en eux. »  La relation avec l’enseignant est différente, puisqu’il devient en quelque sorte une ressource mobilisable. Il n’est plus en face des élèves, mais à leur niveau et apprennent en même temps. Ce n’est pas forcément une posture naturelle pour eux.

Des programmes en taille S, M ou L

Les « Mini S » sont mises en place sur sollicitation des entreprises partenaires. Si les demandes venaient des établissements, elles seraient trop nombreuses pour que l’équipe EPA y réponde. Elles se déroulent en une journée, sur une thématique choisie. Ainsi, en partenariat avec la Délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE), une session est prévue cette année dans chaque département, sur le thème de l’égalité femmes-hommes. « L’égalité femmes-hommes est un sujet inclut de façon systématique dans tous nos programmes. On leur propose une séance pour que, lorsqu’ils font la répartition des rôles dans l’entreprise, ils se positionnent et se questionnent par rapport à cette égalité. »

Autre exemple, « l’usine du futur » avec la communauté d’agglomération Rochefort océan et Airbus pendant la semaine de l’industrie 2024. Dix groupes de six collégiens, nombre idéal, de classes de 4e et de seconde, ont été invités à trouver des façons d’améliorer l’usine de façon durable (transports, énergies renouvelables…). A la fin de la journée, les groupes ont présenté leurs solutions à l’oral.

Les programmes longs, « M » ou « L » démarrent à la rentrée et finissent à la fin de l’année scolaire. Ils se déroulent parfois deux ans. Leur principe est la découverte de l’entreprise avec une idéation, une étude de marché. Les élèves se répartissent les rôles dans l’équipe et vont jusqu’à la commercialisation de leur bien ou service. Des visites d’entreprises du territoire peuvent leur permettre de valider leurs idées et leur organisation. Les programmes « mini M » sont le plus souvent « généralistes », mais ils peuvent aborder certaines thématiques, sur proposition des partenaires ou à la demande des établissements par rapport à leur projet, comme le numérique, l’intelligence artificielle, l’innovation, l’agroalimentaire, le BTP de demain, la banque, avec un focus plus ciblé sur certains métiers. EPA a pour l’instant assez peu de partenaires industriels dans l’aéronautique, la plasturgie l’industrie pharmaceutique mais cela reste marginal. Son idée pour l’avenir est aussi de développer des partenariats plus régionaux.

Quand les enseignants ont un peu moins de temps à consacrer à un programme long, ils peuvent l’organiser  sur une ou deux semaines de façon intensive, ou dans le cadre de stages de seconde et de 3e. Les établissements s’inscrivent directement ou demandent d’aborder un sujet particulier. Il arrive aussi que les partenaires d’EPA souhaitent travailler avec un certain type d’élèves, principalement les lycées, voire les post-bac, notamment sur tout ce qui est intelligence artificielle.

« Si un établissement nous demande une « Mini L », mais qu’il ne dispose que d’une heure par semaine, on va plutôt lui conseiller une « Mini M », quitte à la transformer ensuite. On a mis en place un questionnaire assez précis avec l’enseignant qui chapeaute le projet, afin de savoir s’il a déjà fait des projets similaires, s’il a l’habitude de l’entreprise, s’il a déjà un réseau. En fonction de ses réponses, on lui propose un accompagnement différencié. S’il est déjà familiarisé avec les mini entreprises, il n’aura pas besoin d’une aide tous les mois. En revanche, s’il débute, on va l’accompagner de façon un peu plus spécifique. »

Les jeunes travaillent minimum deux heures par semaine sur leur projet, parfois en dehors de l’école. C’est à la carte, en fonction de l’établissement, des disponibilités des élèves et des encadrants. Les « Mini M » et les « Mini L » se font plutôt en groupe classe avec quinze à vingt participants, deux projets par classe si l’effectif est important. Dans chaque projet, un mentor accompagne l’enseignant. Soit ce dernier connaît déjà des professionnels avec lesquels il a l’habitude de travailler, soit EPA en trouve un dans son réseau. Le plus souvent, le mentor arrive en début d’année, avant que les élèves déterminent le projet.

Le rôle des mentors

Il est important qu’un mentor suive le programme tout au long de l’année. Son rôle est de l’accompagner sur la gestion de projets et de mettre à contribution ses contacts s’il a besoin d’un appui sur la communication ou les RH. On lui demande d’intervenir au moins une fois par mois, afin de créer un lien avec le groupe. Certains interviennent chaque semaine, parce qu’ils y trouvent un intérêt et qu’ils estiment que c’est une source d’énergie d’être en contact avec les jeunes.

« Nous avons des mentors qui trouvent facilement leur place avec les élèves et leur enseignant, ce qui n’est pas évident. L’entente dans le binôme est très importante, et c’est pour cela qu’on demande que mentor et enseignant se rencontrent avant la mise en place. On voit très bien si un projet a bien été accompagné ou non par un mentor, la différence est très significative. Il faut également que l’intervenant s’y retrouve. Notre objectif l’année prochaine est d’animer ce réseau qui constitue une richesse pour nous. Nous envisageons notamment de créer des événementiels, des conférences, etc. »

Les programmes longs sont toujours plus compliqués à mettre en place. Grâce à l’attribution du label « tiers de confiance » par la Région, cette dernière a décidé de prendre en charge la cotisation demandée aux établissements, rendant ainsi possible la gratuité des programmes. Autre obstacle, les heures à disposition des enseignants ont tendance à se réduire, avec notamment la fin de l’option DP3 « découverte professionnelle 3 heures », ou la réalisation d’un chef-d’œuvre, deux temps où il était possible de mettre en place des programmes. D’où une plus grande réticence de leur part à envisager des programmes longs,

L’apport aux élèves est nettement visible, même sur une journée. En début de séance, on leur demande dans quelle position ils arrivent : en mode explorateur avec envie de tout apprendre, en mode vacancier, mieux vaut être là qu’en cours, ou en mode prisonnier. Même question à la fin de la journée, et souvent les prisonniers et les vacanciers sont devenus explorateurs. Alors que la perspective de présenter leur projet à l’oral les inquiète initialement, ils se battent littéralement pour passer en premier en fin de séance.

Travailler ensemble, c’est apprendre à se connaître, ce qui les oblige à développer la cohésion et l’esprit d’équipe. Cela redonne aussi du sens aux apprentissages parce qu’ils s’aperçoivent de ce dont ils ont besoin, comme un certain niveau de français pour faire un bon discours. En fin d’action, quand il y en a, les bénéfices sont remis à une association, un acte citoyen qui fait partie du programme, d’autant qu’avant de parler de projets, de produits et services, les jeunes sont incités à définir les valeurs qu’ils veulent mettre dans leur mini-entreprise.

« Aujourd’hui, on ne touche pas les 9-12 ans, mais c’est un programme qu’on aimerait développer dans l’avenir. C’est vraiment un public différent une pédagogie complètement différente. Jusqu’ici, en 2024 et 2025, nous avons mis en place 160 programmes dont une trentaine de « Mini S », soixante-dix « Mini L », le reste en parcours « M. » Nous organisons également des actions plus ponctuelles, comme des mini job datings avec simulations d’entretien par des professionnels. Ou encore, une action de validation de compétences sur l’intelligence artificielle avec notre partenaire Accenture. »

Entreprendre pour apprendre s’apprête à fusionner avec l’association « 100 000 entrepreneurs ». À partir de la rentrée 2025, EPA continuera à porter les programmes mini entreprises et intègrera les parcours de sensibilisation des jeunes à l’esprit d’entreprendre. Ce panel d’interventions et d’actions en commun lui permettra de toucher plus d’établissements, donc plus de jeunes. Et d’étendre le nombre d’entrepreneurs de son réseau.