Opération petite enfance

Paroles d’acteurs

L’association poitevine LE-CENTRE est, comme son nom peut le laisser penser, un centre de ressources et d’information, spécialisé dans les domaines des services à la personne, du médico-social et la petite enfance. Depuis sept ans, il organise des « Rallyes des métiers de services à la personne » ou « des métiers de l’Autonomie » sur différents territoires de l’ex Poitou-Charentes. Une formule différente d’un classique forum emploi, en cela qu’il vise à faire connaître de l’intérieur des métiers en tension, à travers des ateliers proposés sur site.

En mai 2025, LE-CENTRE a décidé de se focaliser sur une thématique spécifique pour organiser une manifestation dans la Vienne. « Ce que nous avons lancé est une approche nouvelle, un rallye uniquement dédié à la petite enfance, » décrit David Hamelin, directeur.  « Donc nous avons écarté les métiers du grand âge et du handicap pour se concentrer sur ce secteur spécifique, avec un focus sur les métiers de la crèche, les assistantes maternelles et les lieux comme les relais petite enfance. »

Cette première édition s’est tenue du 12 au 16 mai derniers, en collaboration étroite avec la CAF de la Vienne et le service de protection maternelle et infantile (PMI) du conseil départemental, ainsi qu’en lien avec plusieurs communes volontaires. Cet événement intitulé « Petite enfance, grands métiers, belles vocations ! » avait pour objectif de mettre en lumière les différentes professions liées à l’accueil des jeunes enfants, en milieu individuel comme collectif, pour susciter d’éventuelles vocations grâce notamment à des témoignages de professionnels et à la rencontre entre structures et publics.


Une baisse régulière

La Nouvelle-Aquitaine se classe en troisième position des régions française connaissant le plus de difficultés de recrutement. Si l’on prend l’exemple des assistantes maternelles, dont 99% sont des femmes, leur moyenne d’âge est de 48 ans, et le nombre ne cesse de baisser depuis une dizaine d’années. La moitié d’entre elles partiront à la retraite à l’horizon 2032. Certes, il y a toujours de nouveaux agréments délivrés, mais ils ne viennent pas compenser cette baisse. « Les professionnels savent très bien que l’effort à consentir, il va falloir le faire sur des années. Même chose pour les crèches. Mais ils n’ont pas beaucoup de moyens pour agir. Il y a aussi la question de la dégradation des conditions et de la qualité de vie au travail. Le Covid n’a pas arrangé les choses, mais il y a toujours un turnover important et un nombre d’arrêts maladie exponentiel. »

Le rallye petite enfance tient son origine d’échanges avec les employeurs qui estimaient que LE-CENTRE faisait beaucoup sur les métiers d’aide à domicile et du médico-social, mais que ceux de la petite enfance n’avaient pas assez de visibilité. En réponse à ces remarques, l’association avait mis en place à deux reprises, en 2023 et 2024, une semaine sur les métiers de la petite enfance, qui consistait à proposer quelques événements concentrés à Poitiers.

La CAF de la Vienne a su que certaines structures étaient partie prenante de ces premières semaines et en avaient apprécié le principe. « La CAF ne nous connaissait pas à proprement parler. Ils nous ont alors contactés pour évoquer des problématiques d’attractivité des métiers au sens large. Cela peut paraître surprenant que la CAF s’empare de ce problème, peut être par abandon d’autres acteurs. Leur questionnement, pour faire simple, était « comment faire venir des gens dans notre secteur ? »

Un plan de travail a été élaboré, incluant une campagne de promotion relayée par le service public de l’emploi et une quarantaine de petites municipalités de la Vienne, des portraits vidéo de professionnels, divers supports souvent utilisés dans les actions de promotion des métiers. Après sollicitations des professionnels par LE-CENTRE, des propositions d’ateliers, d’animations, d’expositions et d’immersions ont émergé de Loudun, Montmorillon, Civray, un peu partout où sont implantés des relais petite enfance et des crèches.

« Nous avons été obligés de refuser certains ateliers ou animations pas toujours suffisamment abouties, parfois parce que les professionnels ne sont pas très habitués à faire eux-mêmes la promotion de leurs métiers, ils ne sont pas organisés pour. Nous avons recueilli un peu plus de quarante projets, qu’on a essayé parfois de rassembler dans un même lieu, afin d’homogénéiser le programme. Nous sommes aussi intervenus sur les titres, certains n’étant pas vraiment explicites. Le seul élément qui n’a pas été retenu pour cette édition, c’est l’intégration d’un job dating, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas en faire la prochaine fois. Mais, globalement, tout s’est harmonisé assez naturellement. »

Donc au total, trente-huit ateliers répartis sur la Vienne qui ont mobilisé différentes structures, relais petite enfance, crèches, gardes d’enfants à domicile, organismes de formation. Occasion pour un public de collégiens, lycéens, étudiants, personnes en recherche d’emploi ou en reconversion professionnelle, de découvrir les métiers d’auxiliaire de puériculture, d’éducateur de jeunes enfants, d’assistante maternelle… et pourquoi pas, de susciter des vocations.

En termes de bilan, ce rallye a attiré environ quatre-vingts personnes. Donc en moyenne, deux personnes par atelier. « Si on se réfère aux premiers rallyes organisés, on avait plus de 200 visiteurs. Aujourd’hui, quand on atteint la centaine, on est contents. Il y a encore moins de fréquentation sur la petite enfance. Nous n’avions pas vraiment de repère, à part les semaines que nous avions organisées précédemment qui avaient bien marché au regard de la communication assez faible que nous avions effectuée. Là, ce sont quelques ateliers en zone rurale qui n’ont pas pu avoir lieu faute de participants. »

Attirer les futurs professionnels

Les participants au rallye étaient presque uniquement des femmes, pour un secteur où la mixité est virtuellement inexistante, sans doute en raison de préjugés et de stéréotypes profondément ancrés. Parmi elles, deux profils majeurs. D’abord des femmes plutôt jeunes, moins de vingt-cinq ans, avec ou sans formation. Ensuite des personnes d’un peu plus de quarante ans, qui ont déjà travaillé au noir, ou qui sont en deuxième partie de carrière. Ce qui les distingue le plus, c’est la question de l’employabilité immédiate. Beaucoup de ces profils, parfois surdiplômés, sont dans une logique d’intégration.

« Si on ne s’en tient qu’aux chiffres, la question peut se poser de l’intérêt de maintenir ce genre de manifestations. Sachant qu’un rallye, en termes de coût, est très raisonnable, de l’ordre de 2 500 euros. Cela étant, les retours des professionnels ont tous été bons. Je crois qu’ils sont conscients de la difficulté à attirer des gens. Arriver à capter l’attention, même seulement d’une ou deux personnes, c’est déjà énorme. Au-delà de son efficacité immédiate, un rallye sait fédérer les acteurs autour d’une thématique commune. Les professionnels n’ont pas tant d’occasions que ça de faire des choses ensemble, de se croiser dans le cadre d’une action collective. Ils sont lucides sur le fait qu’il n’existe pas de baguette magique, et que la situation nécessite d’effectuer un travail de fond.  Beaucoup ont envie de refaire une édition le plus tôt possible. »

LE-CENTRE envisage de renouveler l’expérience d’ici la fin de l’année, peut être sur un format plus léger, avec pour ambition de mettre en lumière le sujet de la petite enfance. Et l’envie d’y associer les publics scolaires, même s’ils ne sont pas immédiatement employables. Mais ce serait une façon de dessiner de futures voies professionnelles.

Dans un futur proche, l’association prépare son déménagement. Son projet étant d’investir de nouveaux locaux, et d’en faire une vitrine, un lieu facile d’accès et ouvert autant aux habitants qu’aux professionnels, afin qu’ils puissent y trouver tout renseignement utile sur l’habitat et la santé. En incluant tout ce que LE-CENTRE propose habituellement sur la prévention des chutes, l’aménagement de l’habitat, les aides techniques, etc. Viendraient s’y ajouter les questions liées à la santé environnementale, la précarité énergétique.   

« Notre idée, c’est que nous ne serions pas les seuls à animer ce lieu. Nous voulons y associer très largement des énergéticiens, des mutuelles, des assurances, etc. Notre ambition c’est que cet endroit soit véritablement unique, ouvert vraiment cinq à six jours par semaine et dans lequel on n’est pas obligés de découper la réalité en tranches pour que les gens arrivent à se projeter dans un habitat santé et sécurité. »